Automelodi Interview
Comment as-tu rencontré les deux autres membres de ton groupe?
C’est particulier, parce qu’en ce moment même il y a des changements. La structure a été assez mobile. Le fait est que le concert qu’on donne le 12 la semaine prochaine est le dernier avec Patrick Gosselin que j’avais rencontré via Guillaume. Guillaume, je l’ai rencontré en mixant pour le premier album de Plaza Musique en 2006. Avec les membres de Plaza Musique s’est développé une amitié au travers la collaboration. Il y a donc un rapprochement qui s’est fait. Puis, durant l’été 2006, je me suis retrouvé dans une phase de réflexion par rapport à Echo Kitty (mon projet de l’époque). J’ai senti le besoin de repenser le concept et de repartir à neuf. Je commençais à collaborer avec Guillaume à ce moment là et Guillaume a accepté de venir jouer dans Automelodi, pour ce qui est de la batterie, des percussions et des synthés.
Mauricio était le guitariste au début d’Automelodi parce qu’il avait rejoint Echo Kitty sur la fin et c’était mon voisin d’en bas. Il était venu me voir dans l’escalier “Hey man I heard you are looking for a guitar player”. Ça a bien adonné et ça a bien connecté. Il a été notre premier guitariste, jusqu’à Novembre 2007, et ensuite il est parti faire des contrats à l’étranger. Par l’entremise de Guillaume j’avais connu Patrick Gosselin qui est aussi dans un groupe qui s’appelle Le Couleur qui est son projet principal. Donc Patrick a remplacé Mauricio de façon permanente à ce moment là.
Très récemment, Patrick s’est aperçu que ça débordait un petit peu dans sa vie et qu’il avait différentes priorités. Patrick va donc plus se concentrer sur Le Couleur. Ça coïncide aussi avec le retour de Mauricio qui était revenu de ses contrats. On s’apprête à faire le dernier concert avec Patrick au sein de Automelodi et ensuite ce sera le retour de Mauricio.
Est-ce que vous travaillez ensemble pour les compositions?
Notre structure est essentiellement celle d’un auteur compositeur entouré de collaborateurs créatifs. J’ai tendance à développer de façon assez rapprochée les paroles et la musique pour les apporter, par exemple, sous la forme d’un démo ayant une base mélodico-rythmique assez nette qui peut être présentée à d’autres collaborateurs. Ensuite, on développe par rapport à ça. Que ce soit avec Patrick, Guillaume ou Mauricio, il y a un travail créatif qui a été fait en studio.
Donc oui, jusqu’à un certain niveau nous travaillons ensemble, mais c’est plus au niveau des raffinements et des arrangements, ou au niveau de la performance des musiciens pour développer par exemple des mélodies de guitare… bref, pas nécessairement la structure de base de la chanson, mais tout de même une foule d’éléments et de détails qui, je l’espère, rendent le son d’Automelodi unique.
Depuis tes débuts, as-tu trouvé difficile d’évoluer sur la scène Montréalaise? C’est à dire, as-tu toujours eu un bon support des fans durant les concerts où il y a parfois eu des moments décourageants?
Oui, il y a eu des moments décourageants. Le fait est que lorsque j’ai commencé à jouer à Montréal à l’époque de Echo Kitty il y avait un côté presque “commando-suicide” à ce qu’on faisait. Je me souviens qu’il y avait vraiment très peu de groupes vers 2000-2001 qui montaient sur la scène avec des synthés pour faire autre chose que du techno à tendance post-house. Faire une musique avec des racines un peu rock (dans notre cas, plutôt post-punk) et mélanger ça avec de l’électronique, c’était très rare à l’époque et encore plus rare à voir sur une scène.
Ça a créé une dynamique un peu étrange mais ça a beaucoup attiré l’attention. Ça ne s’est pas passé dans des grandes salles mais il y avait vraiment une attention assez spéciale, assez surprenante, cela dit, maintenant que je vois ça un peu en rétrospective on était un peu un phénomène de cirque. C’est devenu frustrant à la longue. Durant les dernières années de Echo Kitty je réalisais que oui, certaines de nos pièces avaient une pointe d’humour mais qu’il y avait aussi des pièces plus sérieuses dans lesquelles je m’étais beaucoup impliqué au niveau émotionnel.
Oui on était conscient de notre côté burlesque et de la dimension de confrontation dans ce qu’on faisait mais à un certain point, il y a peut-être des gens qui ont un peu limité leur perception de Echo Kitty à ça. Vers la fin, je commençais à m’ennuyer du côté plus cérébral de ce que je faisais avant avec Arnaud Lazlaud, qui avait un côté pop aussi mais qui était peut-être plus introspectif et où le côté sombre était un peu moins voilé.
…Alors j’ai eu envie de quelque chose de plus équilibré… Vers 2006 j’ai vraiment senti le besoin de faire des changements et de repartir à neuf.
Pourquoi avoir passé du nom Arnaud Lazlaud à Echo Kitty pour finalement Automelodi?
C’est pour plusieurs raisons à la fois et c’est un peu étrange. Arnaud Lazlaud était un projet que j’avais entrepris avant de déménager de Québec à Montréal vers la fin des années 90. J’ai commencé à travailler sur ça vers 96-97 et les enregistrements sont sortis en 98, 99 et 2000. À l’époque, il n’y avait pas Myspace et au niveau de l’Internet c’était peu développé. Je ne voyais pas, dans ce qui se faisait musicalement au Québec, avec quoi, ou avec qui je pouvais établir des liens. Pas de label ou quoi ce soit. Aussi j’avais assez peu de collaborateurs et je me sentais plutôt isolé dans ce que je faisais.
Je me souviens qu’à l’époque j’avais envoyé quelques démos en Suède. C’est drôle parce qu’avec le temps il y a eu un effet boomerang. La réception avait été assez positive quand même, je me souviens que quelqu’un faisait des soirées là bas qui étaient assez ouvertes aux styles new-wave, post punk et électro-pop. Il y avait une grosse scène électro-pop en Suède dans les années 90, avant même que les gens se mettent à utiliser des termes comme electroclash. À Göteborg surtout, il y avait vraiment une grosse scène. Donc mon geste était un peu comme tirer une bouteille à la mer, mais ça avait tout de même bien été reçu. Par contre, au niveau local, je me retrouvais vraiment coincé dans un sous-sol à ne pas trop savoir comment présenter ma musique.
En déménageant à Montréal j’ai rencontré des nouvelles personnes, notamment Serge et Sabio, avec qui je me suis mis à produire sous le nom d’Echo Kitty. Un peu plus tôt à Québec j’avais rencontré Jeff et Hans qui ont formé Chernobyl Cha Cha et aussi déménagé à Montréal par la suite. On avait donné ensemble quelques concerts à la limite “stunt” et un peu conceptuels sous le nom de Echo Kitty. Ce nom était un peu un clin d’œil à la culture Japonaise Kawai. J’ai dû penser à Hello Kitty en regardant ma Space Echo (chambre d’écho à ruban) et ça a donné Echo Kitty. …Enfin, c’est le genre de nom qui était un peu comme un clin d’œil absurde et ça collait bien à notre aspect burlesque des débuts, mais à la fin ça n’était plus très représentatif.
Echo Kitty est donc né à un moment où je n’avais pas fait de scène depuis longtemps et où je ressentais le besoin de confronter le public d’une certaine manière. Avec Serge et Sabio, nous étions assez passionnés, non seulement de ce qui était post-punk, new-wave et électro-pop, mais aussi du glam à la David Bowie etc. On avait envie de monter sur scène et le côté provocateur nous amusait beaucoup là-dedans. Donc on s’est mis à monter des concerts à Montréal sous le nom de Echo Kitty.
En fait, nous sommes passés à deux doigts de continuer sous le nom d’Arnaud Lazlaud mais on voulait faire quelque chose d’un peu plus glam et extravagant au niveau de la scène. Étrangement, pour nous cette approche était presque un réflexe punk en réaction au contexte post-grunge fatigué et très “oatmeal” de l’époque. La fin des années 90 – début 2000, c’était très “brun-beige” à nos yeux …et puis au niveau de la musique électronique il y avait une certaine culture post-house dominante qui était devenue super embourgeoisée, avec des gens qui payaient hyper cher pour aller voir des shows de laptop donnés par des DJ qui se promenaient d’un ville à l’autre en jet privé. Ça n’avait plus du tout l’aspect underground et culturellement stimulant que ça avait pu avoir au début du mouvement rave de la fin des années 80, début 90. On avait donc vraiment envie de rentrer là dedans assez violemment, à notre façon.
D’où retiens-tu cet accent dans tes chansons? As-tu des origines étrangères, déjà vécu à l’étranger ou c’est plutôt pour la sonorité?
C’est drôle mais je n’aime pas définir ça comme l’accent précis d’une certaine région. Oui, on peut dire que mon français sonne plus européen ou “Radio-Canadien”. Je crois qu’à moins d’être né (ou avoir vécu longtemps) à un endroit précis on ne peut pas nécessairement prétendre avoir un accent vraiment représentatif de cet endroit. Bref, il n’est pas vraiment question pour moi d’imiter les Français (ou les Belges, ou les Suisses Romands, etc.)
C’est plutôt, en effet, un choix musical (et sonore). En fait, ça a commencé avec mon premier groupe, vers l’âge de 15 ans quand je me suis mis à chanter. Au début, quand tu chantes dans un micro pour la première fois, tu sens devant toi comme un “écran de Saran Wrap (pellicule plastique) psychologique”, qu’il faut arriver à percer…et puis au départ évidemment, ayant passé ma jeune adolescence à écouter Joy Division, The Cure et d’autres trucs dans le genre, c’est clair que j’avais beaucoup d’influences anglophones, alors j’ai d’abord chanté en anglais.
J’avais aussi des influences francophones comme les premiers albums des Rita Mitsouko… pas nécessairement des trucs très obscurs mais du moins des choses que j’écoutais à la fin des années 80 alors que je n’avais pas encore accès à une grande collection de disques. J’écoutais pas mal de groupes issus de cette vague new-wave française et qui avaient un peu flirté avec la pop. Il y a quand même des trucs qui ont bien vieilli là-dedans… Comme Alain Bashung, tiens, qui avait fait certains albums new-wave à la fois pop et sombres, avec beaucoup de sonorités électroniques. On parle très peu de cette époque de Bashung et c’est dommage. Il est plutôt généralement connu comme un chanteur pop-rock. Il est mort cette année, d’ailleurs (R.I.P.)
Enfin, je digresse un peu… je disais donc qu’en commençant à chanter, j’ai eu initialement le réflexe de chanter en anglais. Par contre, j’ai rapidement eu la sensation qu’il y avait quelque chose d’un peu absurde à devoir systématiquement traduire mes paroles et mes pensées. J’avais besoin d’être plus fidèle à mon écriture alors graduellement, je me suis mis à chanter en français. Évidemment, au début les paroles venaient carrément de mes premiers poèmes d’adolescent… J’avais 1-2 amis un peu nerds comme moi et on écrivait en s’inspirant de Beaudelaire, Voltaire et Rimbaud avec toute la prétention et la naïveté qu’on peut avoir à 14 ans. En même temps, je commençais aussi à m’intéresser à un style un peu plus “millésimé” de chanson française, comme Serge Gainsbourg , etc.
Donc, mon style vocal s’est développé assez spontanément, à la fois pour la sonorité et parce que ça fonctionnait mieux avec les vers que j’écrivais. Dès le premier jour où je me suis mis à chanter en français j’ai découvert que ça allait peut-être plus sonner comme Catherine Ringer au masculin que comme Hochelaga-Maisonneuve (quartier populaire de Montréal). Je ne crois pas non plus que ça soit une question de limiter un style de musique à certaines sonorités mais oui, à la limite on pourrait aussi demander pourquoi les chanteurs d’opéra apprennent presque systématiquement l’Italien ou l’Allemand. Chaque langue est en quelque sorte un instrument de musique et l’accent contribue fortement à définir la couleur sonore cet instrument. Il est donc clair pour moi que mon “accent” est essentiellement un choix musical. Ça ne veut pas dire que j’ai quelque chose contre ceux qui chantent en joual… il y en a qui le font très bien…j’ai juste choisi de mon côté d’utiliser un autre “instrument”, si je peux m’exprimer ainsi.
Est-ce que la musique occupe tout ton temps?
En ce moment, oui. C’est pas très lucratif (!). J’ai eu jusqu’à cet été quelques contrats de production, mais récemment il y a eu certains développements qui favorisent un projet d’album alors je tiens à me concentrer pour faire avancer ça le plus possible. Sinon, je travaille un peu comme DJ, notamment pour ce soir, mais ma priorité, du moins pour les mois qui viennent, c’est d’essayer d’accélérer le processus qui a été entrepris avec le EP afin d’en faire un album. Je me retrouve avec un bagage encore un peu flou de 10 à 15 chansons et j’essaie d’aller chercher ce qu’il y a de mieux là dedans.
Qu’elles sont tes influences musicales?
Il y en a trop!
Je crois que tu aimes beaucoup Elli et Jacno entre autre?
Une des raisons qui font que je suis autant attaché à ce groupe, c’est que je crois qu’ils représentent plus d’une facette de mes goûts musicaux. Pour moi, Elli et Jacno faisaient un lien intéressant entre une sorte de légèreté yéyé 60′s et une certaine énergie punk, new-wave, ou presque “proto-new wave”, parce qu’ils ont quand même été parmi les premiers en France dans leur genre. Il faut savoir qu’avant Elli et Jacno, ils avaient aussi été dans les Stinky Toys, un des premiers groupes punk parisiens, de la vague 75-76. Ils étaient déjà là, à Paris, à faire des covers un peu bordéliques des Stooges, avant même que Malcom McLaren ne décide d’organiser le “premier festival punk” au 100 Club à Londres (où les Stinky Toys étaient d’ailleurs invités).
Bref, il y a toute une espèce de genèse qui tourne autour de Jacno. J’aime aussi beaucoup son style mélodique, je trouve qu’il avait une façon géniale de faire beaucoup avec peu. Son minimalisme avait une puissance lyrique unique et intéressante.
Mais à part ça, qu’est-ce qui t’as aussi (sans nécessairement inspiré ta musique) inspiré dans la vie?
Bon, évidement, il y a les clichés habituels du gamin de la fin des années 80 qui achète des cassettes avec son argent de camelot. Joy Division, etc. …Je me souviens aussi que quand j’habitais encore à Québec j’avais passé des années à chercher le premier album de Suicide… quand je l’ai enfin trouvé ça a été un évènement national. À l’époque il n’y avait pas de réédition en CD alors il fallait chercher les rares vinyles d’époque. Mais ça, c’est qu’un exemple, il y en a tellement…
Deutsch-Amerikanische Freundschaft, m’avait beaucoup marqué aussi. Bien sûr, c’est un des groupes les plus connus de la vague Neue Deutsche Welle, mais c’est dans ce qui se trouvait de mieux chez les disquaires de ma ville natale. DAF ont été assez déterminants dans ma façon de voir le rapport avec les instruments électroniques. J’aimais leur côté un peu nu, je sentais une certaine énergie brute, une sorte de tension émanant de leurs pièces qui étaient presque toutes construites avec seulement la batterie, un synthé et la voix.
Il n’y a pas que ça mais c’est quelque chose qui m’a marqué.
As-tu un héros/héroïne?
J’admire plusieurs personnes à gauche et à droite mais j’ai du mal à polariser. Marcello Mastroianni [rires]. C’était un acteur Italien.
Quel sont tes projets futurs?
Je vois plutôt dans un futur rapproché… comme je me retrouve par défaut à être aussi le gérant d’Automelodi, je dois penser à trop de choses à la fois pour me permettre de lancer des idées super loin dans le futur, même si j’aimerais pouvoir le faire. Pour l’instant je vois plutôt les priorités, comme compléter l’album, par exemple.
Pour ce qui est de donner des concerts à l’étranger, ça a commencé un petit peu mais j’aimerais que ça puisse se développer plus. Évidemment à Montréal il y a quelques personnes qui aiment notre style musical, mais je suis conscient qu’Automelodi est tout de même quelque chose de spécialisé qui gagne à être exporté.
Je crois que tu n’as pas encore eu la chance de jouer en Europe?
Non, mais je reçois de plus en plus de courriels à ce sujet de la part d’amis européens. Cela dit, pour y arriver je vais avoir besoin d’un certain support logistique et financier. Ça n’est pas quelque chose qui se fait sur un coup de tête, à moins de se faire offrir des garanties énormes. Même au niveau local, j’ai des vieux amis qui me demandent pourquoi je ne vais pas jouer à Québec plus souvent… j’aimerais bien mais il nous faut une certaine garantie. Pour aller à Québec sans nous ruiner, il nous faut au moins 200$… Pour aller en Europe, ça prend les billets d’avions pour tout le monde, et il y a aussi l’hébergement, etc.
…Mais oui, ça me plairait. De plus en plus je crée des liens, je vois des endroits où le groupe pourrait jouer mais c’est de faire d’abord le “grand bond” vraiment, de foutre le groupe dans l’avion qui est stratégiquement lourd.
Aimerais-tu mentionner des artistes qui mériteraient plus d’attention sur la scène locale?
Fade to Grey… c’est tout neuf mais j’espère qu’on va avoir l’occasion de les voir et les entendre plus.
Il y a Le Couleur dont j’ai mixé et co-produit le premier EP avec Dominique de Plaza Musique.
Il y a aussi Postcards, je trouve qu’il n’y a jamais assez de gens à leurs concerts. Ils font dans un style post punk un peu désincarné avec la voix perdue loin dans le reverb et j’adore ça
Velvet Chrome… J’aime beaucoup Velvet Chrome. C’est dans un genre plus noise, plus expérimental…on pourrait dire dans un style post-Throbbing Gristle.
Il y a aussi Sick Friend, que je viens de découvrir et avec qui on doit faire un concert le 12 septembre. J’ai été assez positivement surpris par l’originalité de leurs sonorités en écoutant leurs pièces.